Mon propos porte exclusivement sur le concept des représentations en Géopolitique. Sans forcément dire qui a raison ou qui a tort dans ce dossier, la Commission de discipline de la CAF a rendu son verdict en se basant sur les éléments qu’elle détenait de deux parties. Ici, j’expose simplement les faits. Même s’il est vrai que mon argumentaire ne fera pas l’unanimité, et d’ailleurs ce n’est pas l’objectif visé.

Aussi, modestement j’ai voulu comprendre les véritables mobiles des passions des fans du Football au Gabon et de la RD Congo à la suite du déclenchement du différend qu’on pourrait qualifier diplomatico-sportif entre les deux (2) pays. J’ai suivi avec une attention soutenue les violents débats sur les réseaux sociaux et par sites internet interposés entre les Gabonais et les Congolais depuis pratiquement 3 semaines, ce différend qui oppose ces 2 États membres de la CEEAC est un indicateur pertinent qui atteste que le sport, en général, et le football en particulier, est devenu le nouveau théâtre d’affrontements entre les Etats, un match de football n’est plus simplement un jeu, mais un enjeu de rivalité entre les sujets du droit international. Ce qui confirme que le sport et principalement le football font partie aujourd’hui des guerres modernes en ce début du 21e siècle. Même si certains États africains ne l’ont pas encore intégré dans leur logiciel mental.

A plus d’un titre, le Football cristallise de nos jours les passions, et l’Afrique apparaît dès lors comme le continent de toutes les passions, un peu souvent débordantes au point de perdre parfois la raison et le bon sens.
Comment comprendre que des peuples qui vivent en parfaite harmonie depuis des décennies, et dont les liens ont une profondeur historique, ajouté au fait qu’ils partagent beaucoup de choses en commun notamment l’héritage culturel africain, en plus des liens de mariage, en arrivent à un tel niveau de violence fût-elle verbale?
Comment pour un match qui dure 90 mn, les acteurs sportifs sont prêts à sacrifier les relations d’amitié entre État pour satisfaire leurs intérêts personnels et égoïstes?
S’il est vrai que la Géopolitique intègre parmi ses outils théoriques l’analyse des représentations, la manière dont différents acteurs perçoivent une situation donnée en fonction de leur histoire, de leurs objectifs, de leur culture, et des rapports de force domestique. Ne perdons pas de vue que l’objet fondamental de la Géopolitique demeure l’analyse des rivalités de pouvoir dans et sur un territoire ou hors des frontières nationales. Dans ce cas de figure, nous avons à faire à deux pays géographiquement et démographiquement aux antipodes. Peut-on alors comprendre que la RDC a voulu indirectement faire peser cet argument dans ce différend, en refusant d’accepter le verdict du terrain après leur défaite mémorable à Franceville face à l’équipe nationale du Gabon, le 25 mars dernier.
A travers cette attitude des dirigeants sportifs de la RDC, on peut comprendre le poids des représentations géographique et démographique. Ici, nous avons à faire aux personnes qui refusent catégoriquement d’accepter que le Gabon, petit pays, sur le plan géographique et démographique, a pu terrasser la “grande” RDC sur le plan du football. Et maintenant sur le plan administratif.
Ce que certains dirigeants sportifs doivent comprendre en ce 21 siècle, c’est qu’il y a de nouveaux critères de puissance, et le fait d’être considéré aujourd’hui sur le plan international, comme une grande nation sportive, contribue d’une certaine manière à un rayonnement culturel et diplomatique certain. Car, l’industrie sportive gagne du terrain dans le nouvel ordre économique mondial. Et pour être explicite une qualification à une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations ou de Coupe du Monde positionne un pays sur un plan stratégique.
La “Géopolitique de la culture ” qui se traduit par le concept du “Soft Power” de Joseph Nye qui veut dire en français “la puissance de séduction” s’oppose à la “géopolitique de l’émotion ” selon l’expression de Dominique Moisi. Cette dernière se caractérise par le refus catégorique d’admettre la vérité du terrain, et surtout faire preuve de lucidité face à certaines situations qui engagent l’image et la réputation d’un pays. C’est pourquoi certains dirigeants, en fonction des enjeux sportifs du moment, optent pour la posture de la géopolitique de l’émotion, le cas des dirigeants de la Fecofa. Tout ceci peut expliquer les agissements et leur activitisme digital autour de ce dossier. Au grand dam du fair play.
En définitive, les passions et les émotions ne doivent pas prendre le dessus sur les relations fraternelles, amicales et historiques qui existent entre nos peuples et par extension nos États. Pourquoi vouloir briser le destin d’un jeune africain qui n’a nullement obtenu ni l’identité sportive, encore moins l’identité civile du pays qui le revendique?
En pleine mondialisation où les sportifs originaires du continent noir évoluent dans les équipes nationales européennes et d’ailleurs, de telles querelles ne grandissent pas leurs auteurs. Au contraire, elles bloquent l’intégration africaine et limitent les chances de plusieurs jeunes africains.
Aux dirigeants de la Fegafoot “La prudence est une vertu” , et la plus grande vertu en politique soulignait Hans Morgenthau spécialiste des Relations internationales. Hier c’était le cas Charly Moussono, aujourd’hui Guelor Kanga. Il faut beaucoup plus de vigilance dans les procédures d’adoption et de naturalisation des jeunes talents. Ce conseil gratuit vaut son pesant d’or.

Consultant international (MCCA).
Expert en Prospective intelligence politique et en Communication.